« Privilèges blancs…de souche »

    Il y a quelques jours, j’ai relu cet article et celui-ci, un an et demi après les avoir écrit. Que s’est-il passé depuis ? Ai-je mûri (dans) mes réflexions ? Ai-je changé d’avis et renoncé ? (oui, je me remets en question régulièrement).
Faisons le point ! (enfin, moi, je le fais ; vous, c’est vous qui voyez ! 😉 )

Tout d’abord, je suis étonné et sensible au fait que mes mots n’ont eu qu’une portée relative ; en effet, j’ai été apparemment beaucoup lu et mes textes ont été maintes fois partagés sur les réseaux sociaux mais il s’avère qu’il y a bien peu de réactions en retour sur mon blog. Je ne parle pas du style mais du contenu bien sûr, même si des compliments sur mes supposées aptitudes à l’écrit font plaisir. En fait, c’est le ratio visibilité/commentaires qui m’interpelle. Quid de l’interactivité ? Et pas que sur ces sujets spécifiques… J’ai sûrement tort de penser que les personnes qui aiment (me)lire, aiment aussi (m’)écrire ; ce n’est apparemment pas le cas. Ainsi soit-il ; je respecte votre silence. Comme j’ai pu déjà le faire savoir ici ou ailleurs, ce n’est pas tant une question de chiffres ou de statistiques qui m’importe mais une question d’échange, de dialogues, de débats. Et là, je reste sur ma faim !

Bref, passons… Le plus important est d’avoir fait passer un message…

Ceci étant, je n’expose pas ma pensée uniquement que par l’écrit ; je parle aussi ! Concernant ces sujets, force est de constater que dans mon entourage proche ou pas, rien n’évolue ou presque : j’ai le sentiment de parler – à quelques exceptions près – à des murs ou à des tombes (au choix !). Je fais figure de mutant, d’extraterrestre, de marginal…(barrez les mentions inutiles) face à mon laïus surprenant ( ?)voire choquant de blanc*…

…parmi les blancs :
Me comprennent-ils vraiment ? Se sentent-ils interpellés ? Préfèrent-ils en connaissance de cause garder leurs privilèges « au chaud » au lieu de (se)les avouer et se remettre en question ?
Mes propos seraient-ils sujets à de l’indifférence, à du mépris ? Suis-je perçu comme un traite ?

         Tant de questions…et si peu de réponses…

Il est pourtant évident que dans la société, il existe une dominance et qu’elle est blanche ! Et ce, à l’échelle de la planète ! Il est évident que cela est lié à la colonisation (et pas que). Il est évident que le racisme – construction sociale – doit être combattu ! (Non, être raciste n’est pas une opinion !)

Mais c’est tellement confortable de ne pas subir de contrôle au faciès, de ne pas subir le racisme au quotidien, de ne pas avoir de remarques et de gestes désobligeants quant à sa coiffure, de ne pas être stigmatisé, considéré comme le « méchant », l’indigent, l’usurpateur, le menteur, le voleur…parce que « d’origine étrangère » !

…et parmi les non-blanc-he-s :
Bien que ne parlant pas à la place des concerné-e-s (les non-blanc-he-s)mais allant dans leur sens, je soutiens indéfectiblement celles et ceux qui m’ont ouvert les yeux, qui m’ont instruit ; qui m’ont fait prendre conscience de ce que je défends aussi, dorénavant. Le paradoxe – s’il en est – est que mon discours est (parfois)aussi mal perçu par celles/ceux-ci ! En effet, les personnes qui m’ont « initié » restent sur la réserve quant à mes dires et mes actions en tant qu’« alliés » (ce que je conçois et accepte : la trahison est toujours une éventualité ; puisque je quitte ma position de dominant pour « défendre » leurs causes : celles des opprimé-e-s).

Par ailleurs, parmi les nombreux racisé-e-s que je fréquente, au quotidien (travail, etc), je me heurte ponctuellement à de l’incompréhension, à de l’étonnement, de leur part : ces personnes rejettent mon propos alors que je ne suis que passeur d’idées (je ne relaye que les paroles des concerné-e-s conscient-e-s), n’admettant pas par là-même, l’existence du « privilège blanc », dénoncé d’abord et surtout par d’autres non-blanc-he-s. Il est à noter que ce n’est pas le fait que ce soit un blanc qui leur parle ; il ferait de même si je ne l’étais pas. Ces derniers se sont tellement conformés à la norme sociale de l’oppresseur, c’est-à-dire intégrés, assimilés, qu’ils ne voient pas où est le problème.

Noir-e-s ou blanc-he-s, me disent parfois de prendre de la distance, du recul vis-à-vis de ces sujets ; que ce n’est pas mon problème… Peut-être d’aucun-e-s pensent que je suis manipulé, endoctriné…c’est bien mal me connaître ! D’autres me demandent qui je suis – et pour qui je me prends – pour défendre des causes avec autant de véhémences : « tu n’es pas M.L. King ou Gandhi ! ». Évidemment que je n’ai aucune prétention de cet ordre, que ce n’est pas comparable mais je défends un point de vue comme tant d’autres afin que la société change, que le monde bouge positivement, pour redonner de la vie à la vie ! « Les gouttes d’eau font les grandes rivières ».

Je ne suis qu’un être humain « sans dent », un sans grade de la « France d’en bas », une personne lambda…mais aussi un parent responsable, un type qui se soucie du présent et de l’avenir…et aussi un électeur libre !

   À bientôt !

      Chriss  😉

* « blanc » n’est pas en référence à une couleur de peau biologique mais relatif à un point de vue social.

© chridriss – le 25/11/2014.

Pas de réponses

  1. jaehmso dit :

    Votre article est très intéressant. Vraiment.

    Vous abordez ici un maux bien propre à la France qui est le tabou. Je ne dis pas qu’il n’existe pas ailleurs. Mais je pense qu’il est particulièrement marqué dans notre cher et tendre pays.
    Dans sa vision humaniste, universaliste, la France prétend voir l’homme avant la couleur, ce qui est aux premiers abords totalement normal. Le problème se pose dès lors où l’individu Blanc ferme volontairement les yeux sur une vérité non seulement ethnique mais également culturelle, sociale et économique. Il existe dans la plupart des pays occidentaux un racisme structurel et institutionnel. L’individu issu d’une minorité, ici, Noire, en est conscient puisqu’il le subit quotidiennement. De peur de ne pas être accepté, intégré, il préfère se taire et ne pas défendre ses droits de peur d’être assimilé à un activiste.

    Dans votre dernier paragraphe vous abordez un point assez intéressant. En tant qu’individu « conscientisé », dès lors que vous essayez d’aborder ce sujet tabou, on vous renvoie systématiquement à MLK, Ghandi, Malcolm X histoire de dire « Oh vous savez! Le temps du militantisme est révolu, nous sommes en 2014! Les choses ont changé!Il y a moins de racisme ». Faux. Le racisme est bel et bien ancré dans nos sociétés et ce n’est pas en fermant les yeux sur ces questions que la société avancera. Il faut mettre les gens devant les faits! Des réalités! Les vécus de ces individus racisés qui, quotidiennement, subissent d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement des injustices du fait de leur couleur de peau, de leur appartenance ethnico-religieuse, sociale…

    Comme vous dites, il est beaucoup plus facile pour certains de bénéficier et de jouir de tous les privilèges plutôt que de les remettre en question.
    Ce qui m’étonne également est le fait que vous soyez blanc. Soyons franc :). Je n’aborde que très rarement voire jamais ce sujet avec mes amis blancs car je les sens vraiment en incapacité de réaliser et/ou de se mettre à la place d’un racisé. Lorsque j’en fais allusion, ils se taisent ou semblent vraiment ne pas comprendre pourquoi j’aborde ce sujet avec eux.

    En tout cas, très bon article. Ne baissons pas les bras.

  2. abdoulayebah dit :

    Qui ne sait jamais demandé pourquoi il y a des visites, mais peu de réactions? Moi, j’ai cessé de me poser cette question. Je considère mon blog comme mon cahier de confidences que l’on avait autrefois (avant l’indépendance) à l’école. Mais comme c’est un cahier 2.0, je le partage avec les autres. Le nombre de visiteurs, cependant, compte moins que l’intérêt que ceux qui me rendent visite y portent. Je mesure cet intérêt par le rapport entre le nombre de visiteurs et le nombre de visites. Aujourd’hui, le nombre de visites est 2 fois plus élevé que celui des visiteurs. En outre si je compare le nombre de mes visites à celles que des blogs d’importantes personnalités reçoivent, je me rends compte qu’au fond mes performances ne sont pas si misérables.

    En outre, mon lectorat est composé principalement de jeunes africains de 20 à 35 ans, en particulier de Conakry, donc, des gens sans accès à Internet, ou tout simplement au courant, et qui ne peuvent pas se permettre de longues heures de navigation devant un ordinateur.

    Pour ceux qui est de tes blancs, je peux t’assurer que ce ne sont pas les pires, loin de là. Lorsque je dis ici, à Rome, que le parti de l’extrême droite en France avait un poster d’une jeune très bronzée lors des dernières élections en France et qu’il y a des fils d’immigrés et de blacks qui le votent, ils ont des difficultés à y croire. Il y a quelques jours, je suis allé du coté du Vatican. C’est un peu loin de chez moi, toujours dans mon arrondissement. J’ai essayé de demander ma rue. Ce n’est que la cinquième personne qui s’est arrêtée!

    Donc, du courage, si vous n’avez pas autant de visites que vous auriez souhaité, bloguez pour votre plaisir!

  3. Chriss FV dit :

    Tout d’abord, merci pour vos compliments et SURTOUT vos encouragements à continuer la lutte !

    En effet, la France est championne quant à se complaire dans ce tabou. Et pas que celui-ci ! 😉
    Les Français sont, par ailleurs, très forts pour fustiger le racisme des Américains en faisant fi de leur propre racisme ! L’histoire de la paille et de la poutre…

    A une époque, moi aussi, je faisais parti des gens qui se prétendaient Humaniste et fier de l’être car je croyais que c’était juste le fait de vouloir le bien entre tous les êtres humains. Naïveté… Que nenni ! Il faut savoir ce qui se cache derrière cet humanisme…et les Droits de l’Homme…
    De la même manière, je me suis toujours défini comme « citoyen du monde » mais là aussi, c’est problématique car ça confère à l’Universalisme…
    Mais qui va remonter à la source de ces « ismes » ? Qui va chercher à en savoir plus ? Évidemment que ce ne sont pas les privilégiés !

    Moi non-plus, je « ne voyais pas les couleurs » car je considérai qu’il ne DOIT pas y avoir de différences de traitement, de droits, entre les êtres humains; une volonté d’égalité, de justice pour tous. Cependant, « ne pas voir les couleurs », c’est aussi nier le fait qu’il y ait différentes couleurs, et surtout le fait qu’au delà de la couleur de peau, il y a un système, une construction sociale, initié par et pour les blancs. D’où les privilèges…

    On ne me renvoie pas à Malcom X car ce dernier est peu connu des Français et surtout il est considéré par ceux-ci comme le penchant « mauvais » de MLK car musulman, activiste virulent, etc. Et parce qu’il est une figure emblématique pro-non-blanc-he-s !

    Encore merci pour votre com. !
    Courage !

  4. Chriss FV dit :

    Je vois mon blog aussi un peu comme vous voyez le vôtre : un partage de confidences. Certes, cela peut sembler paradoxal mais si l’écriture pour soi-même est – entre autre – thérapie, l’écriture partagée l’est pour autrui. Si cela peut être utile, il ne faut pas s’en priver.

    Vous avez raison : la qualité prime sur la quantité (c’est ce que je me dis et ce que préfère d’ailleurs); votre commentaire et celui de jaehmso en est une parfaite illustration; je ne vais plus me poser ce genre de question.

    Il me semble que vous êtes l’ainé de mon lectorat et j’en suis fort honoré vu votre parcours professionnel et votre sagesse. Les plus jeunes ont la vingtaine. Mes lecteur-trice-s se repartissent sur toute la planète, y compris en Afrique où j’ai des liens très constructifs avec des blogueurs.

    Oui, c’est assez curieux de voir des non-blanc-he-s voter voire adhérer au FN…un exemple parfait d’assimilation totale !

    Rassurez-vous, je blogue aussi pour mon plaisir; celui surtout d’écrire.

    Merci de votre com. ! C’est toujours un ravissement de vous lire.

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