Ô Brésil ! Ô mon Brésil !
Si vous cherchez un peu dans mes différents blogs (surtout celui-là), vous verrez et comprendrez pourquoi le Brésil a laissé une empreinte indélébile dans ma vie. Je ne vais pas vous conter de nouveau l’histoire ici mais je crois que cette capture d’écran de mon texte, postée dernièrement sur Facebook et Twitter, la résume assez bien.
Néanmoins, je vous fais un p’tit topo vite fait…
Ma rencontre avec ce pays gigantesque – géographiquement et humainement – remonte à peu près à une douzaine d’années. L’amour m’y avait conduit… Ai-je été aveuglé ? Ai-je perdu tout sens critique ? NON ! Tout ce que j’y ai vécu, vu, entendu, partagé a élevé mon âme et mon esprit. J’y ai même réalisé des rêves d’enfance… Ainsi soit-il (n’y voyez point de religion dans cet locution).
Une seconde, une minute…peut changer une vie alors deux mois…
Pourquoi ce pays a influencé ma destinée ? Parce que j’y ai rencontré des gens avec une vision de la vie si différente de celle des Français à œillères : une manière de bouffer la vie tout en gourmandise et enthousiasme, un art de relativiser les problèmes, un sens de la fête… Vous pourrez objecter que mes pérégrinations africaines m’ont apporté cela ; oui mais non. C’est indescriptible. Il faut vivre ce que j’ai ressenti pour le comprendre : tout le monde n’a pas la chance de connaitre des moments de grâce au cours de son existence… J’ai eu ce privilège.
Cependant, le Brésil n’est pas le pays des Bisounours…
Tout n’était déjà pas idyllique à cette époque : en effet, la violence, le racisme, la pauvreté…étaient déjà (historiquement) très présents. Je ne l’ai pas directement constaté car il faut dire que je ne connais physiquement ni Rio de Janeiro, ni São Paulo (là où les extrêmes sont le plus visibles). Loin du tumulte des grandes villes, j’étais dans l’état de Paraíba (plus précisément à João Pessoa) et un peu dans le Pernambouc.
Et puis, en tant que blanc, évoluant là-bas en touriste, certes dans un milieu racisé mais relativement aisé, vous connaissez la suite… Cela étant, je n’ai pas eu l’occasion de fréquenter les propriétaires de fazenda, ni les lieux branchés, ni les peoples… Non, je côtoyais de « vrais gens » du peuple.
Loin des clichés idéalisés, le métissage, fort répandu, ne résout aucun problème. Le football, sport national, n’est pas pratiqué à chaque coin de rue. Quant aux personnes transsexuelles, je n’en ai vu aucune…
Bref, je pourrais écrire des pages mais à quoi bon ? Je n’ai pas à convaincre, à justifier quoi que ce soit ; je relate juste brièvement une expérience de vie personnelle. Il ne faut surtout pas généraliser mon point de vue : le Brésil n’est pas la France mais 16 fois sa superficie ; on devrait dire les brésils, avec moult particularités entre les états !
J’étais loin de penser que l’extrême droite allant prendre le pouvoir…
Un p’tit peu d’histoire…
De 1964 à 1985 se succèdent une alternance de régimes militaires et dictatoriaux (contrairement à l’Argentine et au Chili, le Brésil n’a jamais jugé son passé). En 1985, Tancredo Neves, est élu – enfin – le premier président civil mais meurt avant même de prendre ses fonctions ! Étonnant, non ! ?
En 1989, les premières élections véritablement démocratiques propulsent au pouvoir Fernando Collor de Mello. Il démissionnera après des allégations de corruption ! Déjà !
Son remplaçant, ex-vice-président, Fernando Henrique, va assurer l’intérim et sera élu à deux reprises. Il quittera la présidence en 2002 ; il aura permis de lancer le pays vers une dynamique sociale malgré un chômage en hausse et une détérioration des services publics. Son gouvernement, en coalition avec la droite, n’offrira pas au Brésil ce que son successeur Luiz Inácio Lula da Silva, à partir de 2003, permettra : une ouverture vers le Monde et l’émergence d’une classe moyenne grâce à l’augmentation du niveau de vie. Après 2 mandats, sa « disciple » Dilma Rousseff prendra la tête du pays. Destituée, elle sera remplacée par Michel Temer.
La violence s’est amplifiée – elle est toujours sous-jacente – la misère s’est accentuée, le déclin de la gauche est consumé, sous prétexte de (prétendues ?) corruptions… Décidemment, c’est un phénomène récurrent ! Les classes moyennes, qui ont bien profité de la gauche de Lula, ont perdu leur pouvoir d’achat, les citoyen.ne.s en marge (noir.e.s, pauvres, autochtones, etc.), survivent toujours, les riches veulent être encore plus riches : tout est propice au changement. Quel changement !!!
Comment ce pays a pu mettre au pouvoir l’extrême droite ?
Jair Bolsonaro représente avant tout l’image de l’homme brésilien : machiste et sexiste, le patriarcat dans toute sa splendeur. Dans une société, où les femmes (et les LGBT) commencent, à raison, à se rebeller, il incarne le conservatisme (la majorité de la population est pour la peine de mort et contre l’avortement).
Évidemment, il a su se saisir d’une opportunité contextuelle (crise économique, morale et sécuritaire), appuyé par le pouvoir colossal des Évangélistes et des lobbies divers (agroalimentaires, entre autres) ; le tout épaulé par une pratique ultra maitrisée des réseaux sociaux (le Brésil est hyper connecté1 : il s’est servi de WhatsApp pour diffuser des mensonges, intox…).
La propagande, l’endoctrinement, le sectarisme ont encore de beaux jours…
Et, à l’instar de l’Italie et autres, il me semble que les citoyens ont la mémoire courte, la réflexion biaisée, le nombril plus important que le cœur…
Mais bon, la faim justifie les moyens…
Quand j’entends certains de ses partisans dirent : on s’en fout qu’il soit raciste, homophobe, machiste, sexiste… ce qui compte c’est qu’il va nous débarrasser de la corruption (de la gauche), je ne suis pas étonné in fine qu’il soit élu.
Parallèlement, je ne peux m’empêcher de penser aux électeurs de Macron (les retraités, par exemple) … Heureusement, la France n’est pas droitisée à ce point. Enfin, pas encore.
Le FN et consort sont des amateurs quand on voit ces exemples parmi tant d’autres de l’inhumanité de ce type…
Quelques conséquences…
https://www.facebook.com/ajplusfrancais/videos/342798936493211/
Force et courage à vous.
Saudade
Chriss Brl
1 « Pendant que les figures politiques traditionnelles jouaient des coudes pour se frayer une place à la télévision ou dans la rue, Bolsonaro a mis au point au fil des années tout un appareil, aussi perfectionné que discret, d’attaque et de propagande sur les réseaux. Il a adopté en particulier une stratégie pyramidale de diffusion, avec quelque 300 000 groupes WhatsApp animés par des militants régionaux et municipaux, mais aussi étrangers […] Les milieux d’affaires ont financé, à hauteur de quelque 12 millions de reais [2,8 millions d’euros], une grande campagne d’envois sur WhatsApp de centaines de millions de messages anti-PT [une pratique illégale car considérée comme du financement électoral déguisé]. Bolsonaro a transformé les électeurs en propagandistes : les victimes sont devenues des bourreaux ».
Le 03/11/2018 – © chridriss