Endométri-ose en parler !
Témoignage
Ce mois de mars, l’endométriose est « à la une » ! Symboliquement, vous comprenez pourquoi je publie cet article le 8 mars…
Je ne suis pas une femme et à ce titre, je ne suis pas le mieux placé pour traiter ce sujet. Alors, je partage ici les mots spontanés et sincères d’une amie, écrits il y a 2 ans et demi :
Ma vie d’endowarrior
Aujourd’hui j’ai 40 ans, je n’ai pas d’enfant et je suis ménopausée depuis 4 ans. Je vis avec le regard des autres et leurs discours à la con: « Quoi?? T’as pas d’enfant, ben va falloir s’y mettre » ou » c’est quoi tes bouffées de chaleur ? C pas déjà la ménopause ! » Alors quand j’en ai marre je leur raconte mon histoire et là, en général, elle les laisse muets :
Mes règles ont toujours été douloureuses et abondantes, j’ai donc pris la pilule jeune mais ça n’a pas réglé le problème de douleur. À 20 ans j’ai commencé à avoir des douleurs pendant les rapports sexuels, c’est pas 1 truc facile à dire à son gynéco (ni même à écrire comme ça 20 ans après) alors je ne lui en ai parlé que quand j’ai commencé à tomber dans les pommes pendant l’acte. Sa réponse ?? » Vous avez pensé à changer de partenaire? » Je suis ressortie de là déconfite, sans examen complémentaire, comme si ma douleur n’existait pas à ses yeux.
Bref j’ai continué comme ça. Ma vie, ma libido et mon couple en ont pris un coup mais bon… Que faire???
Au bout de quelques mois, je m’évanouissais aussi à chaque fois que j’allais faire pipi. Difficile de travailler dans ces conditions : j’ai perdu mon boulot. Ma chance est d’avoir une amie qui m’a trainée de force chez son gynéco. Je ne me doutais pas encore de la place que ce médecin prendrait dans ma vie.
Donc 1ere consultation: il m’écoute, m’examine et appelle lui-même pour une échographie en urgence. Résultat : 1 kyste endométriome de 16 cm sur l’ovaire gauche, tout mon appareil génital a basculé sous son poids. D’un coup mes douleurs prennent tout leur sens, ce n’était pas dans ma tête!!! Donc chirurgie en urgence. Le gynéco prévoit une coelioscopie qui finalement se transforme en laparotomie avec ablation de l’ovaire + de la trompe gauche et des heures de travail pour lui à décoller mes intestins qui n’étaient plus qu’une masse gluante collée par des adhérences d’endométriose. Il constate aussi un endométriome dans la vessie mais l’urologue veut le faire diminuer avant d’envisager de le retirer. 4 jours sous pompe à morphine, 9 jours de régime « byc » ( bouillon, yaourt, compote… Un traumatisme supplémentaire pour moi), quelques heures coincées dans le scanner tombé en panne avec moi dedans (toute la salle d’attente m’a applaudie quand je suis enfin sortie) et 12 jours en tout d’hospitalisation. Puis début du traitement par decapepthyl (en gros une ménopause artificielle) pour 9 mois. L’injection est douloureuse, les effets secondaires perturbants, alors j’ai plein d’autres comprimés pour les éviter mais bon, mon humeur est changeante, je suis fatiguée et je prends quand même 10kg en un mois (par contre j’ai des seins à en faire pâlir plus d’une !! ).
Bref gros passage à vide. Je pense maladie, je mange maladie, je dors maladie. Je me renseigne et échange avec d’autres endowarriors mais c’est comme si combattre l’endométriose était devenu mon nouveau métier alors je laisse tomber et continue seule.
Après 9 mois de ménopause artificielle, je tombe enceinte spontanément (miracle !!). Tout le monde est ravi, moi la 1ere, mais l’écho faite à 11 semaines est porteuse d’une mauvaise nouvelle : c’est un œuf clair qui ne veut pas se décrocher, je risque 1 hémorragie, donc retour à la clinique pour un curetage. C’est sympa de se retrouver là au milieu de ces jeunes nanas qui viennent pour une IVG que certaines utilisent comme moyen de contraception !! Après ça, le kyste vésical n’a pas assez diminué alors on repart pour 6 mois de decapepthyl puis coelioscopie pour une « cystectomie partielle » (un mot barbare pour dire qu’on t’enlève un bout de vessie). Quelques complications comme d’habitude mais au final c’est réussi donc plus de kyste dans la vessie et plus d’évanouissement en faisant pipi (je vous assure que ça change la vie!).
Démarre alors le parcours PMA, en gros on essaie de faire un bébé avec l’aide de la médecine : d’abord les stimulations ovariennes avec rapports sexuels interdits quelques jours puis obligatoires à date et heure fixe ( « allô chéri, je sais que t’es au boulot ( ou au sport, ou qu’on vient de s’engueuler…) Mais là faut que tu rentres c’est l’heure ») c’est à dire juste quand t’as pas envie…puis inséminations et fiv ( périodes de nos plus mémorables disputes tellement c’est le parcours du combattant et que la médecine oublie le côté psychologique des couples qui doivent en passer par là). Bon puis qui dit PMA dit cycle ovarien stimulé et donc retour de l’endométriose.
Alors entre toutes ces tentatives infructueuses je me retrouve régulièrement hospitalisée en urgence, 7 nouvelles chirurgies pour des endométriome sur l’ovaire droit et des adhérences un peu partout. Il y a toujours des complications, je passe 2 réveillons sur 2 années différentes à l’hôpital (on m’amène du foie gras et du chocolat en douce, parce que le régime « byc » pour Noël c’est un peu triste), mais j’arrive toujours à négocier de ne pas rester plus de 3 jours. Après chaque chirurgie on fait 3 mois ou plus de decapepthyl (ou équivalent).
Au bout du compte ça fait 8 ans que j’ai l’impression que mon gynéco est la personne que je vois le plus souvent. Heureusement il est sympa, m’explique tout, me parle de tout… Entre nous c’est devenu amical, il est d’un grand soutien. Mais 8 ans c’est beaucoup alors un jour je débarque en consultation et lui annonce que j’arrête tous les traitements, que j’en ai marre, que de toute manière il n’y a rien pour se débarrasser complètement de cette saloperie de maladie, qu’on va laisser faire la nature et qu’on verra au fur et à mesure. Il n’est pas d’accord mais il me laisse faire. Ça fait du bien de sentir qu’il comprend.
Mais la nature n’a pas mis longtemps à me faire signe : on me diagnostique une polyarthrite rhumatoïde dont le traitement (encore un autre par injection) m’interdit toute grossesse. Mon gynéco est dépité pour moi, nous voilà en train de choisir une contraception parce que même si la PMA n’a rien donné j’ai quand même déjà été enceinte. Donc pose d’un stérilet, je n’ai plus de règles et ça va plutôt bien pendant un an puis l’endométriose décide de reprendre sa place dans mon corps. J’ai un gros kyste sur l’ovaire qui enveloppe la trompe. Donc on programme une nouvelle coelioscopie mais je n’ai pas confiance, elles se sont toujours transformées en laparotomie ( d’ailleurs va falloir penser à breveter le principe de la fermeture éclair abdo, ça serait plus pratique…) Alors je demande une anesthésie loco-régionale histoire de pas avoir de mauvaise surprise au réveil. Le jour J l’anesthésiste qui s’en occupe n’est pas là, ( je continue de croire qu’ils m’ont baratinée sur ce coup-là) j’accepte à contre cœur l’anesthésie générale et au réveil j’ai plus de pansements que prévu.
Mon gynéco m’explique qu’il a fait une open-coelio, qu’il a gratté au maximum le kyste. Mais je me sens bizarre, je lui demande s’il me reste un peu d’ovaire il me dit que oui…bon j’en reste là et négocie à nouveau une sortie rapide. Mais je récupère moins bien, je me sens triste, il y a quelque chose qui cloche… Je le revoie 9 jours plus tard pour le retrait des points et au moment de partir il me donne le compte rendu opératoire. Je ne l’ouvre que chez moi et je lis: « ovariectomie + annexectomie droite » donc cette fois c’est clair, voilà pourquoi je le sens mal, j’ai plus d’ovaire, je suis définitivement ménopausée, pas de retour en arrière possible, je ne serais VRAIMENT jamais maman.
J’appelle mon gynéco, je l’engueule : pourquoi ne m’a-t-il rien dit!? Je le revois en consultation, on en parle, j’en conclu qu’il n’a pas su comment le dire mais je lui en veux. Pour moi le choc est violent quand 3 semaines après cette dernière opération je vais récupérer les résultats biologiques. Mon taux d’hormone est interprété comme » ménopause profonde ». Pour moi c’est le pompon comment peut-on écrire ça sur un résultat de prise de sang? n’ont-ils aucune once de psychologie pour une personne de 36 ans (ils ont ma date de naissance quand même!) et surtout comment avoir des taux pareils si rapidement ?
Je m’effondre et broie du noir. 10 ans presque jour pour jour à se battre contre cette saloperie d’endométriose. Elle m’a bouffée la vie et elle a gagné: Je n’aurais jamais d’enfant, j’ai un sentiment d’injustice et d’échec indescriptible.
C’était il y a 4 ans maintenant, je vais bien même si parfois la tristesse de cette réalité me revient en pleine figure. Je savoure l’absence de douleurs, même si je continue à l’appréhender, et assume mes problèmes de mémé ménopausée avec humour. Je ne suis plus une endowarrior car elle ne fait plus partie de ma vie et je me suis transformée en super tata pour les enfants qui m’entourent. Je les adore et ils me le rendent bien !
Voilà mon témoignage, il aurait pu être plus long, mais il y a certaines choses que je garde pour moi, en tout cas il correspond à ce que j’avais envie de partager. Une goutte d’eau au milieu de toutes ces campagnes de sensibilisation à l’endométriose. Je souhaite que cela permette de rendre les diagnostics plus précoces, de faire prendre conscience aux médecins de l’intérêt de prendre en compte la douleur des femmes, qu’on ne dise à aucune d’entre elles que c’est normal ou qu’elle devrait changer de partenaire ( tiens d’ailleurs je suis retournée voir celui qui m’avait dit ça, je lui ai raconté mon parcours et sa réponse a été à la hauteur du personnage : « je ne pouvais pas deviner, vous étiez sous pilule ».
J’espère que la médiatisation et les campagnes d’information permettront des avancées scientifiques tant dans la connaissance de la maladie que dans les traitements pour qu’aucune jeune fille ne souffre en silence par manque d’une prise en charge adaptée. J’espère enfin qu’elles permettront de changer le regard que le « grand public » porte sur les femmes qui ont mal pendant leurs règles ou qui n’ont pas d’enfant à l’âge où on « devrait » en avoir…
Christelle
J’espère que ce témoignage permettra à toutes et tous de comprendre cette pathologie et de la faire accepter dans l’opinion publique.
Oser parler – quel que soit le sujet – est toujours un pas essentiel…
Chriss
Quelques liens utiles :
Le 08/03/2019 – © chridriss